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18/01/2009 ACDEFI : Crise : hommes politiques cherchent idées désespérément !

Avec la crise que nous traversons les leaders politiques sont dans le brouillard ! Alors pourquoi ne pas chercher des idées auprès de prix Nobel, d’économistes reconnus, de dirigeants ou d’anciens hommes de pouvoir ?

A cet effet, Eric Besson, Secrétaire d’Etat chargé de la Prospective, de l’Evaluation des politiques publiques et du Développement de l’économie a organisé les 8 et 9 janvier 2009 un prestigieux colloque à l’Ecole militaire intitulé « nouveau monde, nouveau capitalisme ».

Car nos dirigeants ont senti passer le vent du boulet : « nous sommes passés à deux doigts d’une catastrophe » a affirmé le Premier ministre François Fillon, « les fondations du système financier ont été modifiées comme jamais » a repris l’ancien premier ministre britannique Tony Blair. Et ce n’est pas forcément fini : « Il ne faut pas sous-estimer la fragilité structurelle du marché financier international » prévient Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne.

Même si Michel Rocard a rappelé que le ralentissement économique a commencé avant la crise financière, et qu’il ne fallait donc pas tout mettre sur le dos des marchés financiers, la quasi totalité des orateurs a opposé un « capitalisme financier », chargé de tous les maux, à une capitalisme d’entrepreneur et d’innovation. « Le capitalisme financier a perverti la capitalisme » affirme le Président Nicolas Sarkozy lors du discours inaugural. « Le secteur financier doit servir l’économie réelle » reprend Tony Blair. Qui dirait le contraire ? Mais où passe clairement la limite entre les deux, ce n’est pas forcément si simple, et on sait que tout marché a besoin de spéculateurs pour fonctionner.

Le choc de la crise oblige à une « remise en question des certitudes, des croyances et des théories » affirme Nicolas Sarkozy ; les théories, bien vu. Notre façon d’appréhender et de comprendre les marchés financiers doit s’améliorer. « La cause principale de la crise a été une sous-évaluation généralisée des risques » avance Jean-Claude Trichet, ouvrant la porte à une critique des modèles fonctionnant dans les salles de marché. En outre, les normes comptables internationales doivent aussi être examinées : « il convient de remédier à un certain nombre de sources potentielles de procyclicité, notamment certains aspects de la comptabilité en juste valeur » poursuit le Président de la BCE. Autre idée intéressante : il faudrait créer une autorité bancaire européenne préconise Howard Davies, le directeur de la London School of Economics, qui rappelle que la banque centrale d’Islande ne possédait pas les fonds nécessaire pour garantir son système bancaire.

Mais plusieurs orateurs ont également insisté sur le problème de la dette, celle des ménages comme celle des Etats, comme cause profonde de la crise actuelle. « Nous avons vécu au-dessus de nos moyens » affirme la chancelière Angela Merkel, tandis que Jean-Paul Fitoussi dénonce une mauvaise répartition des revenus et une stagnation du pouvoir d’achat pour la plupart des salariés, il a donc fallu s’endetter pour maintenir la consommation et le système financier en a profité. Howard Davies pointe également l’endettement des Etats et des ménages comme explication de la crise et la chancelière s’alarme de la « montagne de dette crée par la lutte contre la crise… ». Si le secteur de la dette souveraine venait à flancher, la crise ne serait pas derrière nous mais devant…

Tous les intervenants veulent rééquilibrer le rôle de l’Etat face à celui du marché. Soit. Mais Francis Fukuyama (auteur du concept controversé de la fin de l’histoire) signale le risque de « surcompensation dans la réglementation ». Et puis concrètement comment va-t-on faire ? Peut être existe-t-il une pièce secrète au FMI ou la Maison Blanche contenant un poste de commande avec deux manettes, une pour l’Etat et une autre pour le marché et qu’il faudrait monter la première et baisser la seconde ? Il y a déjà beaucoup de réglementation. Et rappelons tout de même que Bernard Madoff ne gérait pas un Hedge Fund domicilié dans un paradis fiscal mais un fonds à New York placé sous le contrôle de la SEC.

Pour avoir plus de propositions concrètes peut être aurait-il fallu élargir le spectre intellectuel des intervenants : il n’y avait en effet que des régulationnistes mais pas de vrais libéraux, qui auraient opportunément pu faire remarquer que la crise actuelle provient également d’un trop grand interventionnisme de la puissance publique (l’Etat américain qui offre la garantie du Trésor et qui encourage Fannie Mae et Freddie Mac à multiplier les prêts immobiliers et à les titriser, d’où les fameuses Subprimes). Ce sera peut être pour l’année prochaine puisqu’une deuxième édition du colloque est déjà fixée aux 7 et 8 janvier 2010.

Quoi qu’il en soit, Tony Blair a rappelé la vertu cardinale des marchés, la confiance : « sans le retour de la confiance, les plans de relance ne serviront à rien ». C’est tout le problème.

Le site du colloque : http://www.colloquenouveaumonde.fr/


Philippe Herlin