philippeherlin.com le site de PHILIPPE HERLIN
Retour Publications

05/02/2009 Les Echos : Maths financières : le bon modèle


« Il n’y a aucune limite aux dommages que peut subir une banque ». On aurait du lire Benoît Mandelbrot. Voici ce qu’il écrivait en 2005 dans « Une approche fractale des marchés » en expliquant que les variations de prix ne suivent pas une loi normale (ou courbe de Gauss) bien connue des statisticiens, et à la base de tous les modèles de marché, mais une loi d’échelle, qui génère bien plus de valeurs extrêmes… L’inventeur des fractales se passionne également pour la finance et son captivant objet géométrique aux formes surprenantes et déroutantes permet d’appréhender les turbulences boursières quand le modèle standard a rendu l’âme depuis longtemps. Ce dernier conduit à « une grave sous-estimation des risques de ruine financière », les accidents sont bien plus nombreux qu’on le croit et, de plus, il existe des phénomènes de mémoire qui transparaissent dans les cours, conséquence : exit la théorie de l’efficience des marchés.

Ce que révèle la crise actuelle c’est que la « boite noire » de la finance moderne (instituée par Sharpe, Makovitz, Black, Scholes, Fama) ne fonctionne plus, et Mandelbrot consacre ainsi les premiers chapitres de son livre à en réfuter mathématiquement les hypothèses fondatrices. Il ne propose pas ensuite des réponses toutes faites mais s’attache, après un retour sur la notion de fractale, à mieux identifier et comprendre les soubresauts des marchés, ouvre des pistes de recherche, sans s’abstenir de délivrer un avertissement : « la finance doit abandonner ses mauvaises habitudes et adopter une méthode scientifique » (car l’accumulation d’équations et de modèles informatiques sur des fondements erronés n’a rien de scientifique !). Séance de rattrapage avec cette réédition dont on ne manquera pas d’apprécier le souci pédagogique et l’esprit analytique. Une mesure à rajouter au Plan de relance : obliger les banques et les salles de marchés à acquérir cet ouvrage, dépense minime, rentabilité maximale.

Philippe Herlin