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25/02/2009 ACDEFI : L'art, un placement d'avenir ?

« C’est la vente du siècle » répètent en boucle les médias et effectivement la vente de la collection Yves Saint Laurent-Pierre Bergé au Grand Palais par Christie’s (23-25 février 2009) tient ses promesses : la fourchette haute de l’estimation - 300 millions d’euros - est largement dépassée et les records mondiaux s’accumulent : 32 millions d’euros pour « Les coucous, tapis bleu et rose » de Matisse, 29 millions pour « Madame L.R. » de Brancusi, 19 millions pour une composition de Mondrian, 21,9 millions pour le Fauteuil aux dragons d'Eileen Gray (deuxième enchère la plus élevée au monde pour un meuble), etc.

Voilà qui fait plaisir à voir en un temps où la plupart des actifs (actions, immobilier, matières premières) se déprécient sans que l’on entrevoit le fond sur lequel rebondir. Rappelons-nous que le 15 septembre 2008, le jour même de la faillite de Lehman Brothers, le trublion anglais Damien Hirst faisait un carton chez Sotheby’s en vendant ses œuvres pour un total de près de 90 millions d’euros.

L’art échapperait-il à la crise générale des marchés ? Certes non et quelques grandes ventes récentes à New York ou à Londres ont souffert de la déprime générale, mais plus par la disparitions de clients ruinés par ailleurs que par des doutes sur la valeur des œuvres proposées. D’ailleurs la vente exceptionnelle du Grand Palais attire tous les collectionneurs et institutions du monde et les enchères grimpent comme rarement.

Par delà les variations d’indices il faut comprendre que toute crise économique est un changement de paradigme, il ne faut donc pas négliger ce qui se passe avec cette vente. Ni d’ailleurs avec l’engouement croissant des gens pour les grandes expositions (les dernières journées de « Picasso et les maîtres » furent ouvertes 24 heures sur 24 pour faire face à l’afflux !). Le secteur des objets d’art au sens large (le spectacle vivant c’est autre chose, d’autres logiques) prend une importance croissante dans nos sociétés, et cela se traduit notamment sur le marché des enchères ! Et autant on peut s’interroger sur ce qui constitue la valeur fondamentale ou intrinsèque d’une action, surtout en ce moment, autant Matisse, Picasso, Brancusi demeureront des références profondément ancrées dans les racines de notre civilisation et continueront d’attirer les foules et les collectionneurs. Il y a bien sûr aussi des crises sur le marché de l’art, mais un Picasso ne sera jamais bradé comme General Motors.

Les fonds investis en œuvres d’art n’ont jamais vraiment décollé, il serait peut être temps d’y réfléchir à nouveau. Et pour ceux qui ont des liquidités à investir, il faut savoir qu’on peut, en plus, se faire plaisir et avoir un supplément d’âme. Car on le voit maintenant, les valeurs de « bon père de famille », ce n’est plus la BNP, Peugeot ou Saint Gobain, mais un tableau impressionniste, une sculpture renommée ou un meuble rare.

Philippe Herlin