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01/04/2009 ACDEFI : Comment sortir de la crise… par le marché !

La comptabilisation en juste valeur (Fair Value) a, tout le monde en convient, accéléré la crise en obligeant les banques à déprécier leur bilan au fur et à mesure que les marchés s’écroulaient. On nous explique que cette obligation a été levée, en réalité c’est seulement un compromis qui a été mis en place : la Recommandation Conjointe du 15 octobre 2008 formulée par les autorités comptables et financières françaises (en conformité avec les décisions prises en Europe et aux Etats-Unis) préconise, lorsque les marchés fournissent des « données non pertinentes » d’y suppléer par un calcul effectué en interne (actualisation des flux de trésorerie futurs, estimation des risques). C'est-à-dire que l’on reste dans la logique de la Fair Value, celle-ci n’étant plus déterminée par le marché (Mark to Market) mais par des modèles mathématiques (Mark to Model).

Le collapsus du système bancaire a ainsi été évité mais sa guérison est loin d’être en vue : le marché interbancaire demeure largement illiquide et les actifs toxiques constituent une véritable épée de Damoclès. Nul ne sait vraiment comment sortir de cette situation inquiétante et chacun hésite entre la nationalisation, la création d’une structure de cantonnement, l’apport en capital ou le refinancement par l’argent public… Proposons une idée toute simple : le marché.

Car tous ces phénomènes sont liés : l’évaluation d’un actif par un modèle mathématique sera toujours plus favorable que celle donnée par un marché illiquide, c'est-à-dire en crise, donc les banques préfèreront se fier à cette évaluation et se tenir à l’écart des marchés, qui resteront donc illiquides, c’est un cercle vicieux ! Les actifs risqués stagnent ainsi entre deux eaux, dans une vaste partie de poker menteur, le dernier à montrer son jeu empochant la mise (mais le système se sera écroulé). Il faut sortir de cette logique qui détruit la confiance en incitant les banques à revenir sur les marchés pour que la vérité des prix se produise à nouveau. On peut, pour cela, proposer deux actions fondamentales :

1) Arrêter la Fair Value pour revenir à la comptabilité historique, et interdire le Mark to Model qui relève de la divination dans le marc de café.

2) Instaurer un avantage fiscal pour les pertes liées aux activités de marché (sous forme de crédit d’impôt par exemple), un tel mécanisme obligeant les banques à une saine gestion car elles endosseraient de toute façon une partie des pertes (alors que les besoins de financements qu’elles formulent actuellement auprès des Etats sont basés sur une estimation peu fiable de leurs actifs). Cet avantage fiscal ayant bien entendu une durée limitée (un an ou deux) pour stimuler le retour des banques sur les marchés.

L’objectif c’est de revenir sur les marchés, de sortir de la fiction du Mark to Model pour obtenir une vraie évaluation des actifs, les Etats ne s’interdisant pas d’aider les banques les plus en difficulté, mais cette fois en connaissance de cause, avec un système des prix réaliste.

Un tel programme n’a de sens que s’il est adopté dans les mêmes termes par les principales économies mondiales, pour éviter toute distorsion de concurrence ou fuite des capitaux. Le prochain sommet du G20 à Londres constitue une occasion à ne pas manquer, car il est impératif de sortir des faux semblants et de la défiance généralisée qui entravent le bon fonctionnement des marchés.

Philippe Herlin