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18/04/2009 Le Cri du contribuable : Le partage de la valeur ajoutée : le mythe et la réalité


Evoqué
depuis longtemps, ce discours revient à la une à l’occasion de la crise : le partage de la valeur ajoutée, nous dit-on, évolue au détriment des salariés et en faveur des actionnaires. Le partage du «gâteau» entre le travail et le capital se ferait de plus en plus en faveur du second. Voilà une statistique, validée par l’Insee, qui fleure bon la lutte des classes et désigne à la vindicte populaire les patrons qui s’en mettent plein les poches, du pain béni pour les syndicats !

Mais on oublie un acteur dans cette tragicomédie : l’Etat. Car c’est lui qui se sert en premier, et de la plus grosse part ! On connaît ce chiffre : la somme des valeurs ajoutées au niveau d’un pays c’est le «PIB», la somme des impôts, cotisations sociales et taxes diverses sont les «prélèvements obligatoires», et le taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB s’élève à 44%. Donc le scénario est le suivant : l’Etat commence par se servir de presque la moitié des richesses crées en France, et ensuite les entreprises font ce qu’elles peuvent pour payer leurs salariés, continuer d’investir pour maintenir leur compétitivité puis, éventuellement, elles rémunèrent leurs actionnaires qui arrivent, on le voit, en fin de course.

Car les polémiques sur les «supers profits» de Total ne doivent pas masquer le fait que le tissu économique français est constitué de PME dont la rentabilité est faible. Et, toute choses égales par ailleurs, faire pencher la balance du côté des salariés au détriment des entreprises conduirait automatiquement à des licenciements et à des fermetures d’entreprises. La solution pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés, ainsi que la compétitivité des entreprises (qui en ont chacun bien besoin !), est donc très simple : il faut baisser les prélèvements publics. L’Etat doit moins dépenser, obliger les collectivités locales à être plus économes, mieux gérer les prestations sociales. Et avec la crise actuelle et l’explosion de la dette publique, cela devient urgent.

Bizarrement, comme pour éviter que l’on se pose les bonnes questions, les statistiques officielles ne distinguent pas l’Etat en tant que tel mais séparent souvent de façon artificielle les prélèvements obligatoires entre le capital et le travail (les cotisations sociales sont affectées au travail alors que le salarié n’a aucun pouvoir de négociation sur elles ; pour les TPE, où la distinction capital/travail est souvent difficile, l’Insee élabore un «salaire fictif»…). Et quand ils interprètent ce rapport capital/travail, les économistes avancent des changements structurels (intensité capitalistique, productivité du travail, taux de salarisation) plutôt qu’un «rapport de force» modifié par la mobilisation syndicale.

On veut occulter la captation, pour ne pas dire la spoliation, qu’opère l’Etat sur la richesse créée par les entreprises, comme s’il fallait rester dans une opposition frontale de type marxiste entre les salariés et les patrons, mais sans s’interroger sur le niveau de la dépense publique… A-t-on peur que les Français comprennent vraiment les termes du débat ?


Philippe Herlin